XIII
avant-propos
contemporaine y voit un processus, un phénomène physico-chimique,
autrement dit le scénario d’une combustion. Disparu physiquement
des foyers domestiques pour être concentré dans des centrales indus-
trielles, le feu reste très présent dans notre quotidien en tant que
producteur principal d’énergie à l’échelle de la planète. Mais à l’heure
des crises climatique et énergétique, la combustion de ressources
fossiles est désormais incriminée. Le développement de la société
thermo-industrielle connaît un revers écologique qui, pour la première
fois dans l’histoire de l’humanité, retourne l’avantage du feu en crise
de croissance.
Spectaculaire, créateur, fécond, sinistre, désastreux, destructeur, etc.,
les adjectifs opposés ne manquent pas pour qualifier l’ambivalence du
feu, un thème récurrent pour lequel Gaston Bachelard est maintes fois
cité. Pourtant, le terme «ambivalence» n’est évoqué qu’une seule fois
dans
La psychanalyse du feu
. Et cette occurrence est appliquée non pas
au feu mais au «
dieu frottement
qui va produire et le feu et l’amour».
Dans sa grande sagesse, le philosophe parle plus exactement de «deux
valorisations contraires» que reçoit le feu. L’ambivalence n’est «dans
l’être même de l’élément» que pour autant qu’elle est «au cœur de
l’homme» (Bachelard,
Fragments d’une poétique du feu
). Car au fond,
ce n’est pas tant le feu qui est ambivalent que les intentions (et les
pulsions) pour lesquelles on l’emploie. Dire que le feu est ambivalent,
c’est opérer un raccourci, ou plus exactement un déplacement, ce qu’en
termes psychanalytiques on nommerait une projection. Le feu en lui-même n’a pas d’ambivalence, pas plus qu’il n’est ambivalent. Seules
les intentions qui nous animent lui confèrent une valeur bonne ou
mauvaise. En ce sens, il est un prodigieux support de l’ambivalence et de
la complexité humaines. Tel un miroir tendu à l’humanité, le feu fascine
pour le défi qu’il lui lance, pour ses reflets lumineux et sa face cachée.
«
Être aimé, c’est se consumer dans la flamme. Aimer, c’est luire d’une lumière
inépuisable.
Ê
tre aim
é
, c’est passer; aimer c’est durer.
» (Rainer Maria Rilke)
Puisse le lecteur aimer ce livre!
Nadine Ribet