Les grands principes du c3rv34u
54
la droite de la gravure. Dans l’illusion du damier
d’Edward H. Adelson
Figure 6
, notre cerveau a accu-
mulé suffisamment d’expérience avec les ombres
pour savoir les détecter sur le damier, et les sous-
traire de l’image pour nous donner à voir le « vrai »
niveau de gris du damier sous-jacent.
Dans certains cas, les données sensorielles
sont totalement ambiguës entre deux images équi-
probables : un cube de Necker peut être orienté de
deux manières, un mouvement peut être horizon-
tal ou vertical, un symbole peut être un A ou un 13,
une silhouette de danseuse peut tourner dans un
sens ou dans l’autre. Face à un tel cas d’ambiguïté
parfaite, il est fascinant de voir que notre cerveau
échantillonne la distribution statistique des inter-
prétations possibles. Il ne nous donne jamais à
voir la superposition de deux interprétations (une
danseuse qui tournerait à la fois vers la droite et
vers la gauche), mais tantôt une interprétation et
tantôt l’autre, avec des durées proportionnelles à
leurs probabilités respectives. Il existe ici une ana-
logie avec la physique quantique. Au niveau quan-
tique, le « chat de Schrödinger » pourrait être à la
fois vivant et mort, mais dans la réalité macrosco-
pique il est soit l’un soit l’autre. De même, au niveau
inconscient, notre cerveau calcule la distribution
de probabilité continue de toutes les interpréta-
tions possibles du monde extérieur, mais au niveau
conscient il ne nous donne à voir qu’un seul échan-
tillon de cette distribution des possibles, celui qu’il
considère le plus probable. Si la figure est ambiguë,
il alterne à un rythme assez lent entre les diffé-
rentes possibilités.
QUAND NOTRE
CERVEAU FAIT
DES PRÉDICTIONS
Le cerveau compile des statistiques non
seulement pour reconstruire l’interprétation la
plus probable du monde extérieur, mais aussi pour
prédire le futur. L’idée que le cerveau ne fonctionne
pas comme un dispositif passif d’entrée-sortie,
mais comme un système actif capable de générer
Figure 6
le damier d’Edward
H. Adelson (1995)
Dans cette illusion
d’optique, nous percevons
deux damiers sans nous
rendre compte que dans
l’image du bas la nuance de
gris du carré A est identique
à celle du carré B. Notre
vision consciente résulte
d’inférences inconscientes :
notre cerveau soustrait
automatiquement l’ombre
du cylindre et nous
donne à voir une teinte
« reconstruite », qui serait
celle du damier dans
lemonde réel, mais qui
diffère radicalement des
données objectives qui
parviennent à notre rétine.