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LA DÉCENNIE 1990 :
LA LIBÉRATION
DE L’IMAGE
Dans les années 1990, d’autres films
ont suivi, intégrant par le même pro-
cédé des images de synthèse au milieu
de trucages traditionnels ou d’effets
mécaniques. Pour
Les 1001 Nuits
(1990) de Philippe de Broca, il fallait
concevoir de très nombreux effets
optiques ou mécaniques, ainsi que des
images de synthèse pour quelques
plans. Ceux où Gérard Jugnot devient
le génie de la lampe d’Aladin ont été
l’occasion de créer des objets photo­
réalistes, raccords avec un vrai décor,
en synthèse, à l’aide du logiciel Explore,
ancêtre de Maya, chez ExMachina.
La communication entre numérique et
film était encore à sens unique : de l’or-
dinateur au film. Les imageurs transfé-
raient sur film des images numériques.
Leurs outils étaient très imparfaits, fai-
blement dynamiques et impliquant
des distorsions géométriques. Mais
l’outil inverse, qui permettrait de digi-
taliser des images film en respectant
leurs qualités, le scanner, n’existait
qu’à l’état de prototype aux États-Unis.
Les travaux de Pixar, de RFX et de
quelques autres nous faisaient entre-
voir la possibilité de disposer enfin
pour le cinéma de toutes ces fonction-
nalités de manipulation d’images.
C’est Duran Duboi, pour
Delicatessen
de Jean-Pierre Jeunet et Marc Caro
(1991), qui a été le premier à réaliser
deux plans présentés comme des tru-
cages numériques réalisés grâce à un
scanner «maison». Un an plus tard, la
société de postproduction a investi
dans un vrai scanner, et révélé que les
plans de
Delicatessen
avaient en fait
été numérisés grâce à un artifice vidéo
intelligent (télécinéma 4/3 anamor-
phosé) qui en augmentait la définition.
Mais le signal était donné. En 1992, j’ai
convaincu la direction d’ExMachina
d’acquérir un scanner RFX pour fabri-
quer les effets spéciaux de
Siméon,
le
film d’Euzhan Palcy produit par Jean-
Lou Monthieux. Tout au long de la
décennie, les effets numériques pour
le cinéma se sont développés à grande
vitesse, d’abord chez Duran Duboi et
ExMachina, qui possédaient la chaîne
complète scanner/traitement/imageur,
puis chez Buf, Mac Guff, Mikros Image
et d’autres, grâce aux services de
«
scan/shoot
» qui apparaissaient dans
les laboratoires (Éclair, LTC-Scanlab,
GTC), lesquels ont par la suite créé
leurs propres départements d’effets
numériques.
La filière de production est restée glo-
balement argentique : tournage, éta-
lonnage et exploitation se faisaient
toujours sur pellicule. Seuls les plans
truqués passaient par une branche
numérique du
workflow,
pour ensuite
retourner à l’argentique. Cette dévia-
tion induisait des chemins distincts
entre plans non truqués et plans tru-
qués, et la différence de qualité n’était
pas en faveur du numérique. Les opé-
rations de
scan
et de
shoot
créaient
des distorsions, que l’on essayait de
réduire par tous les moyens. La qualité
L’ŒIL
DU SUPERVISEUR
Page de gauche
Plusieurs étapes
d’un trucage pour
Les 1001 Nuits
(Philippe de Broca, 1990), parmi les
premiers films français à trucages
numériques. Effets spéciaux signés
Christian Guillon.
Ci-dessous
Catherine Zeta-Jones
et Gérard Jugnot dans une scène
du film
Les 1001 Nuits
(Philippe
de Broca, 1990).
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