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Les acteurs, le marché et l’État
acheter un bien dont la production cause une pollution impor-
tante, il est efficace de taxer ce bien pour forcer l’acheteur à
prendre en compte l’effet négatif de la pollution. Un second
motif d’intervention, c’est ce que l’on appelle le paternalisme :
l’État protège les individus un peu comme les parents pro-
tègent leurs enfants ; en particulier, il invalide les transactions
où l’une des parties n’est pas consciente de ce que la signa-
ture du contrat va impliquer, ou dans laquelle elle est parti-
culièrement vulnérable ou inattentive au moment de signer.
Bien sûr, il faut veiller à ce que cela n’empiète pas trop sur
la liberté individuelle. C’est un très vieux thème dans l’his-
toire du capitalisme, qui est bien traité dans
Le Marchand de
Venise
* : convaincu qu’il ne prend aucun risque, Antonio signe
un contrat stipulant qu’on lui prélèvera une livre de chair s’il
n’arrive pas à rembourser sa dette. Mais les choses ne tournent
pas comme il l’avait prévu… Le rôle du régulateur est d’élimi-
ner ces situations où des gens signent des contrats qu’ils ne
comprennent pas ou qui sont clairement trop extrêmes. Par
exemple, on ne peut pas signer avec une entreprise un contrat
où l’on s’engage à travailler toute sa vie pour elle : ce dernier
ne serait pas considéré valable par un juge.
Le monde du travail est fortement régulé.
N’est-il donc pas abusif de parler de marché
du travail ?
Un employeur ne doit pas, par exemple, mettre en danger la
santé de ses salariés, mais je ne pense pas pour autant qu’il
soit abusif de parler de «marché » du travail. Ce qui corres-
pond au prix sur le marché du travail, c’est le salaire. Il y a en
France un salaire minimum. Mais, pour les salaires au-dessus
du salaire minimum, une logique de marché reste intacte (on
parle de «négociation salariale ») ; elle est simplement enca-
drée par des règles du jeu. Il y a un bon équilibre à trouver
dans l’introduction de ces règles. Par exemple, rendre les licen-
ciements trop difficiles cristallise un mode d’organisation du
travail où les employeurs n’embauchent et ne licencient que
rarement. Le marché du travail devient alors moins «fluide »,
et les périodes de chômage deviennent excessivement longues
pour ceux qui ont la malchance de se retrouver sans emploi.
Le Marchand
de Venise
de William
Shakespeare
(1597).