Ce livre accompagne l’exposition que la
Cité des sciences et de l’indu!rie consacre aux
jeux vidéo. Cette exposition a été entièrement
bâtie sur l’idée que le jeu vidéo ne s’expose pas,
qu’il s’expose mal. Pour comprendre quelque
chose des jeux vidéo, de ce qu’ils mettent en jeu
pour ceux qui s’y adonnent, il ne su"it pas de les
regarder de l’extérieur, de contempler les images
ou d’observer le matériel. Trop aisément, le jeu
vidéo se donne à voir. Pourtant, il e! nécessaire
d’aller au#delà du visible : la pratique du jeu e!
indispensable. Mais comment pourrait#on jouer
sérieusement au musée ?
Si certaines formes de jeu s’adaptent à
tout contexte $ placez une borne où que ce soit
et vous la verrez transformer son monde en salle
d’arcade $, d’autres sont impraticables dans un
lieu quelconque, soit qu’elles exigent des temps
trop longs comme les jeux de ge!ion, soit
qu’elles supposent une certaine intimité avec la
machine comme les jeux d’aventure.
Toute l’hi!oire des jeux vidéo nous
apprend que les principales formes ludiques
prospèrent dans des milieux qui leur sont favo#
rables : le laboratoire universitaire d’abord, les
arcades ensuite, le salon ou le bureau dans l’es#
pace du domicile… Il nous fallait donc imaginer,
en étroite relation avec le commissariat muséo#
graphique de l’exposition et en s’appuyant sur
son savoir#faire, des dispositifs jouables qui
donnent à penser et à réfléchir ensemble, à plu#
sieurs, entre amis, en famille, sur la nature du
médium, ses lignes de force, ses particularités,
ses limites, ses avenirs possibles.
Mais, si le jeu vidéo ne s’expose pas $ à
moins que ne s’inventent des jeux pour le musée
ou que ne se réinvente un musée par les jeux $,
comment pourrait#il s’écrire ? Ici encore, nous
passons d’un médium à un autre, du jeu à l’ex#
position, de l’exposition au livre. Écrire les jeux
vidéo n’e! pas une tâche facile. Une bonne part
de l’expérience du jeu se déroule dans la sphère
de l’intimité, dans le face#à#face avec la machine.
Nombre de jeux relèvent d’une forme de danse
avec les
joy!icks.
Une danse qui échappe à la
parole, engendre au mieux quelques borbo#
rygmes et exclamations durant la partie, et ne se
laisse pas aisément transcrire.
Cependant, comme l’écriture, le jeu
vidéo e! un art des signes et du code. Il repose
sur un programme, sur ces machines extraordi#
naires que sont les ordinateurs. Ceux#ci donnent
une nouvelle dimension à l’écrit, qui dépasse la
seule fon%ion du texte, d’un ensemble de signes
communicables, pour aboutir, avec le code infor#
matique, à une écriture opérationnelle qui sert à
piloter des dispositifs produisant des e"ets sur le
monde et engendre,
via
la simulation, de petits
mondes avec lesquels il devient possible d’inter#
agir. L’écriture informatique n’e! plus seulement
représentation, mais a%ion. Les jeux vidéo sont
de l’écrit a%ionné comme des images, des hiéro#
glyphes pour la modernité.
En complément de l’exposition, ce livre
vise à décrypter le code des jeux vidéo, à ouvrir la
boîte noire pour regarder comment ces derniers
sont conçus. Interroger la fabrique des jeux vidéo,
au sens le plus artisanal du terme, fait apparaître
Olivier Lejade
et
Mathieu Triclot
Commissaires scienti&ques de l’exposition