Anthropologue, sociologue et auteur de nombreux ouvrages, Paul Jorion nous parle de certains de ses livres.

Paul Jorion, anthropologue, sociologue

Il y a très longtemps,  en 1989, j'ai écrit un livre qui s'appelle "Principe des systèmes intelligents".
Il a été réédité en 2012. C'est un livre que j'ai écrit à l'époque où j'étais chercheur dans le
domaine de l'intelligence artificielle, c'était un peu une époque pionnière par rapport à ce domaine
évidemment on a pensé à cette idée d'intelligence artificielle dès qu'on a eu des ordinateurs mais là
on était dans une période fin des années 80 où il y avait encore beaucoup de problèmes essentiels
qui n'avait pas été résolus... Sur la vision en 3 dimensions, sur la manière de gérer des phrases
pour les analyser, appeler les réseaux sémantiques et là j'ai travaillé donc à cette époque là dans une équipe,
dans une firme commerciale qui s'appelle British Telecom, c'est l'équivalent  anglais de France Télécom,
et je travaillais dans une équipe où on faisait de la recherche en intelligence artificielle
et j'ai écrit un livre où je décris  particulièrement le logiciel que j'avais mis au point, qui est un logiciel
où la machine apprenait d'elle-même et résonnait de manière logique d'elle-même c'était self organizing,
c'était émergent, le processus était
émergent, il n'y avait pas de grandes règles de logique
inscrites dans la machine, la machine était curieuse, on lui disait simplement, elle avait été programmée
pour que s'il y avait quelque chose qu'elle ne comprenait pas dans ce qu'elle entendait,
de poser des questions pour pouvoir intégrer cette information supplémentaire dans sa base de données.
L'année dernière en 2016, j'ai publié un livre s'appelle "le dernier qui s'en va éteint la lumière".
C'est un peu un livre de lanceur d'alerte, j'ai été de plus en plus consterné par le fait que
les scientifiques, les physiciens, les chimistes, les gens qui s'occupaient du dérèglement climatique
attiraient notre attention sur le fait que les jours sont comptés, qu'on peut imaginer que de la même
manière que nous entraînons dans leur perte des espèces autour de nous, nous pourrions entraîner là
notre propre perte dans ce processus et je me suis dit prenons au sérieux cette idée d'extinction de l'espèce
et réfléchissons à ce qu'on peut faire autour de cela... Est-ce qu'il faut se réconcilier simplement
avec le fait que nous allons
disparaître assez rapidement, à l'échéance de
deux ou trois générations, c'est-à-dire 60 ou 90 ans ou bien est ce qu'il doit y avoir un sursaut ?
Est-ce que nous devons faire le travail de deuil de
nous-mêmes ou retrousser nos manches ?


Principes des systèmes intelligents

Cote Bibliothèque : I 5 4 JORIP

Réflexion sur les principes généraux mis en oeuvre dans les systèmes intelligents. Des réponses originales aux questions posées en intelligence artificielle, telles la distinction entre syntaxe et sémantique, la nature de la signification et de l'intention.

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Paul Jorion
Il y a un livre, écrit en anglais par Mark O'Connell, il n'est pas scientifique au départ,
c'est un professeur de littérature anglaise à Dublin, en Irlande, mais il s'est intéressé à ce
mouvement transhumaniste qui se développe en ce moment et il a fait un petit peu comme un road movie, c'est un voyage. Il est allé rejoindre des groupes de gens qui se réclament du transhumanisme.
En particulier un monsieur qui fait une campagne pour être élu président des Etats-Unis, dans un immense bus qu'il a déguisé en cercueil. Et c'est très amusant de voir ce qu'il a fait, il va avec ces gens-là et il discute avec eux et ce qui est très intéressant pour le profane pour quelqu'un qui n'est pas scientifique ou qui n'est pas comme lui un professeur de littérature, c'est de voir que bien que sa première réaction en général est de dire j'ai affaire à des fous, quand il rentre à la maison
et que son petit garçon lui pose des questions, il se surprend à utiliser un argument qu'on vient
de lui raconter, donc qu'il trouvait fou quand on lui a raconté la première fois... Voilà donc c'est un
monsieur qui se pose des questions, le livre s'appelle "Man the machine" = "l'homme, une machine"
et j'en discutais hier parce qu'on va le traduire et on m'a demandé de faire la préface.
C'est un livre qu'il faudra absolument lire, c'est très bien écrit, c'est écrit comme un roman
mais ça parle de choses qui sont vraiment d'aujourd'hui et sur des questions essentielles comme la
mortalité, ce qui va se passer avec nous si on nous met des morceaux de machines pour essayer, pour nous rendre des cyborgs,  pour nous rendre par exemple capables d'aller dans les étoiles.
De nous faire vivre mille ans pour pouvoir aller dans les étoiles car les étoiles sont très loins...
C'est un livre qui sera très intéressant de lire en français mais si vous pouvez déjà le lire en  anglais c'est très bien.
Paul Jorion

Ma manière d'écrire, c'est d'essayer d'écrire pour tout le monde, pour absolument tout le monde.
J'ai des collègues qui écrivent essentiellement pour leurs collègues et qui créent de nouveaux concepts, des choses de cet ordre là... Non, moi j'essaie de me faire comprendre.
J'ai commencé par écrire, je dirais des livres assez techniques sur la question de la banque,
je fais partie des quelques personnes qui ont annoncé la crise des subprimes, pas
simplement disant un jour, il va y avoir une crise, mais en écrivant un livre de 250 pages
qui s'appelle "vers la crise du capitalisme américain", un livre expliquant ce qui allait se passer.
Mais je savais qu'il fallait convaincre les gens, en particulier les économistes, ils étaient
convaincus qu'il y avait aucun problème ni avec le capitalisme ni avec l'économie,
mais je voulais que tout le monde puisse lire ce livre et se convaincre que voilà il y avait un danger.
Et en particulier pour les livres que j'ai écrit sur ce bug par la suite, où j'ai décrit par exemple en direct la crise des subprimes, il fallait le faire d'une manière telle que les banquiers, qui sont toujours un petit peu pervers, se tournent vers les gens en disant tout ça est trop compliqué, n'essayez pas de comprendre, laissez-nous nous occuper de ça... Je suis content dix ans plus tard d'avoir contribué personnellement à ce que les gens dans la rue vous disent la crise des subprimes c'est ceci cela, il va se passer maintenant cela... C'est à dire que les gens sont beaucoup mieux formés,comprennent beaucoup mieux ces questions de la finance et j'espère que c'est en partie mes livres qui ont aidés à faire simple.