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Mission spatiale
La grotte Chauvet, dans la peau des scientifiques. Livre jeunesse
Les questions du travail et de l’emploi sont indissociables de l’activité industrielle. L’angle choisi prend appui sur trois espaces symboliques qui structurent le propos : la mine, l’usine, la plateforme numérique.
Ce temps fort aborde les transformations des modes d’organisation du travail et les métamorphoses de l’industrie à travers la question du travail, tout en montrant la coexistence et le foisonnement des modes de production.
Trois lieux emblématiques structurent ici le propos : • La mine : l’extraction de minerais est au fondement de l’activité industrielle. • L’usine : comme symbole de la façon dont les hommes s’organisent autour de la production d’objets. • La plateforme numérique qui illustre la transfiguration du travail par l’entremise du numérique.
Ce temps fort présente : • Une mise en scène de vêtements de travail, illustrant notamment la fusion de l’industrie manufacturière avec celle des services. • Une installation audiovisuelle de grande dimension s’appuyant sur trois documentaires d’auteurs : Le Jour du mineur, réalisé et produit par Gaël Mocaër (Ukraine, 2013), C’est quoi ce travail ? de Luc Joulé et Sébastien Jousse, produit par Shellac Sud, Travail et Culture (France, 2015), Les Coursiers de la République de Badredine Haouari, produit par Les Ateliers Varan (France, 2018). • Cinq témoignages audio d’opérateurs et opératrices industriels parlant de leur métier dont trois inédits que vous pouvez écouter ci-dessous :
Marine Lallier, téléconseillère
Je m’appelle Marine, j’ai 23 ans, je travaille dans une société de télé conseil à Rueil Malmaison.
Mon métier consiste tout simplement à appeler et à recevoir des appels de prospects ou clients, c’est-à-dire des personnes qu’on vise pour leur proposer une solution ou un service.
J’ai choisi ce métier au départ comme travail alimentaire, et ensuite c’est devenu un peu une passion. Apprendre à convaincre les personnes, à leur expliquer notre point de vue et la solution qu’on propose pour les aider, c’est quelque chose qui m’a plu et c’est pour moi un but, chaque jour, de convaincre le plus de personnes possibles grâce à chacun de mes appels.
Il y a parfois des moments difficiles. Parfois certaines personnes ont du mal à être simplement téléconseillers, à ne pas prendre les remarques pour elles. Parfois on se fait insulter au téléphone. Et parfois on en rigole également lorsqu’on finit un appel avec des situations gênantes ou très drôles. On en parle tous ensemble et c’est ça qui nous permet vraiment de rester soudés.
Parler pendant huit heures d’affilée, on ne se rend pas compte mais, même pour moi qui aime ça, ça peut être fatiguant.
Même si nous avons un casque, il y a tout de même un bruit de fond. Et lorsque nous l’enlevons, nous entendons le discours à tenir de dix-huit bouches différentes. J’exagère peut-être, mais c’est ce qui peut parfois donner des mots de tête dans ce métier ou du moins dans l’environnement.
On pense qu’on est tous capables de passer des appels, et que c’est la chose la plus simple du monde de communiquer, alors que pas du tout ! Il faut penser à tous les critères qui entrent en compte, d’abord la personne qu’on a en face de nous : être capable de répondre exactement à sa réaction, de savoir quoi répondre. Ce n’est pas tout le temps un discours. On a un script à suivre, mais on est souvent amené à aller au-delà du script, pour nous-même apporter notre perception et convaincre les personnes. Quelqu’un qui ne croit pas en ce qu’il propose n’arrivera pas à convaincre la personne en face de lui, alors que lorsqu’on comprend nous-mêmes on sait quels arguments rétorquer aux objections.
Il faut aussi être capable de s’adapter, d’adapter son comportement, sa voix, sa sensibilité. Il y a des personnes avec qui on va parler calmement, d’autres avec qui on va être obligé de parler plus fort, d’autres avec qui on va être obligé d’expliquer quinze fois.
On nous demande de sourire, d’être bienveillants. On nous demande d’avoir un bon débit, une bonne intonation, une bonne intensité. On nous demande de faire un message d’accueil précis, une prise de congé précise, tout en ayant répondu à toutes les questions concernant l’éligibilité, concernant les coordonnées…
Lorsqu’on a un appel, on ne pense pas à tout parce qu’on n’a pas la grille de notation sous les yeux, et pourtant on a quand même ce devoir de remplir les cases, les critères de qualité, car c’est notre métier, la voix et la présentation. Donc tout doit être fait dans les règles de l’art, si je puis dire ça comme ça.
Claudia Cipriani, agente en maintenance
Je m’appelle Claudia, j’ai 32 ans, je suis agente en maintenance en industrie.
J’interviens sur des équipements qui produisent des puces électroniques. Elles servent dans tous objets du quotidien : les voitures, les smart phones, les tablettes, l’électroménager, cartes bancaires, passeports biométriques… On est partout.
Je travaille en salle blanche. C’est un endroit ultra propre avec des procédures à respecter. En salle blanche, on ne court pas, on ne parle pas fort, parce que tout est fragile, tout doit rester propre. L’opérateur est là pour lancer ses lots, participer à la production, et nous, on veille, on surveille pour que tout se passe bien.
La maintenance, c’est s’occuper des machines de production. Moi, en l’occurrence, je fais de la maintenance préventive, c’est-à-dire que je change des pièces d’usure. Comme ce sont des équipements qui marchent 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, on est obligé d’être présent pour surveiller les équipements et faire en sorte qu’ils marchent continuellement.
J’arrive le soir avec mon équipe. Je prends les consignes de l’équipe précédente. Je fais le tour des équipements et je vais regarder les compteurs. Si je vois qu’il y a un équipement qui va se bloquer à 20 heures, je sais que je vais devoir intervenir dans une heure de process. A ce moment-là, je vais changer les pièces d’usure (des plaques métalliques, des roulettes mécaniques qui vont s’user), je vais mettre à zéro mes compteurs, je vais requalifier ma machine, je vais rendre l’équipement à la production si j’ai le feu vert, et le compteur reprendra son cycle jusqu’à 20 heures, 24 heures ou 45 heures.
Travailler de nuit ça demande une discipline. Je ne peux pas me permettre de sauter des repas, je peux pas me permettre de ne pas trop dormir parce que, la nuit, il faut que je sois vigilante, il faut que je surveille, que je fasse attention. Vous pouvez faire une nuit que de surveillance, donc vous attendez les alarmes, vous vérifiez que tous les équipements marchent correctement. Il n’y a pas d’intervention à faire parfois durant toute une nuit. Ou alors, vous avez des nuits où vous avez énormément de travail parce qu’il y a beaucoup d’équipements arrêtés et qu’il faut les remettre « up » rapidement. Il faut vite intervenir dessus. Du coup, votre nuit passe très vite, on a besoin de vous !
En maintenance, des formations s’ouvrent désormais aux femmes. Tout est fait pour que les femmes postulent à des postes techniques. J’en vois de plus en plus ; en tout cas dans les équipes de nuit, il y en a de plus en plus. Il n’y en a pas encore assez à mon goût, mais je suis sûre que ça va changer dans la bonne direction. Les femmes ont leur place, et je pense que je suis un très bon exemple parce que je n’avais pas de profil technique, je suis juste passionnée de mécanique et on m’a donné ma chance en m’offrant une formation. C’est vraiment ouvert à toutes celles qui sont passionnées !
Frédéric Gil, chaudronnier
Gil Frédéric, chaudronnier depuis une dizaine d’années.
Mon métier de chaudronnier consiste à donner une forme à un métal. Ensuite, je viens le souder pour l’assembler à d’autres parties chaudronnées également. Cela donne à la fin un carter d’échappement – ça va sur tout ce qui est civil : tous les appareils civils, comme l’A320.
Mon outil de travail principal, c’est le marteau, plusieurs sortes de marteaux, et la torche qui sert justement à souder ces composants qui ont été chaudronnés.
J’étais métallier au départ. J’ai passé mon CAP de métallier, et après mon CAP de chaudronnier. Je me suis plus reconverti dans la chaudronnerie parce que c’est tellement beau… Je ne sais pas comment dire ça, mais je trouve ça assez joli de pouvoir façonner sa… je vais pas dire « sa ferraille » mais presque… de pouvoir lui donner une forme. Et je trouve que c’est gratifiant.
Je ne m’attendais pas à suivre autant de plans. Nous, en tant que chaudronniers, on pourrait faire la pièce autrement, mais aujourd’hui on a les méthodes, on a les plans, on ne peut pas déroger à ça. Il faut vraiment que ce soit suivi au micron près ; ce n’est même pas au dixième, c’est au micron près.
Les difficultés, je dirais que c’est surtout le bruit. Pour un chaudronnier et même pour un soudeur (ça ne parait pas), le bruit c’est ce qu’il y a de pire… avec les épaules. Les coiffes des rotateurs en prennent un bon coup. Toute la journée à taper, au bout d’un moment, on a les épaules un peu en vrac. Parfois c’est très dur.
Notre travail, mon travail, je le fais en équipe. Il y a trois équipes, on fait les trois huit. Nous, on va faire une partie et, si on n’a pas fini, c’est le collègue de l’équipe d’après qui le finira. Et ainsi de suite, du coup la chaîne ne s’arrête jamais.
Les trois-huit, il y en a qui les vivent très bien. Moi, je les vivais très bien, sauf qu’à un moment je trouvais la nuit un peu dure. Je devenais irritable. Donc, j’ai fait le choix de revenir en horaires de bureau. Pour la vie de tous les jours, c’est beaucoup mieux.
Dans l’entreprise, on évite de faire tous les jours la même chose. Ça évite la routine, et puis à faire quelque chose de répétitif on risque d’oublier les fondamentaux. A trop connaître, on peut arriver à faire des bêtises. C’est bien d’alterner et de voir d’autres choses aussi.
Youen Le Noxaic, siropier
Je m’appelle Youen, j’ai 42 ans, je suis siropier.
Mon travail consiste à fabriquer une partie de la boisson, c’est-à-dire le sirop. Je ne suis qu’un maillon de la chaîne de la production. Je fabrique un concentré. S’occuper du goût, de l’aspect, de l’odeur, c’est vraiment le travail du siropier. Et ensuite le sirop est envoyé sur les lignes de production, où les opérateurs de production réalisent un Brix (avec un taux de sucre plus faible) consommable par le client.
La siroperie est au milieu et autour il y a les services qui gravitent : la qualité centrale, la logistique, la production, la maintenance.
Tout le monde ne rentre pas dans la siroperie, l’accès est réservé. Les salariés qui passent devant peuvent nous voir. Ils peuvent voir plein d’écrans dans la salle de contrôle, moderne, avec la climatisation. Mais ils ne voient pas l’atelier de l’autre côté.
Mon travail ne se résume pas à être assis dans un bureau à lancer des process en cliquant avec une souris, il y a beaucoup de terrain. Sur certaines recettes, il peut arriver que l’opérateur doive verser une tonne et demi de matière à partir de sacs de 25 kilos. Imaginez le nombre de sacs, de gestes répétitifs…
En siroperie, on analyse le sirop au fur et à mesure de sa fabrication. Tout le système est automatisé. Il y a des lignes de soude ou des lignes de désinfectant, par exemple, qui sont fermées par un clapet. Or un clapet, ça peut fuir, donc il faut tout le temps analyser le produit au fur et à mesure.
On gère aussi la fabrication du glucose. (Le glucose, c’est le sucre dilué.) On ne doit pas se tromper sur le sucre. Lorsqu’on a un produit qui est légèrement noyé, on peut le rattraper. A l’inverse, un produit trop sucré ne peut pas être rattrapé. Il faut être vraiment très très vigilant.
La technique a facilité les conditions de travail, mais ce n’est pas infaillible du tout.
Parfois, on a des doutes. Si on était pas devant l’écran, on ne sait pas si la phase du sucre est passée réellement.
Il nous est déjà arrivé qu’il y ait des phases qui ont sauté à cause d’un bug du système. D’où qu’il faut être très vigilant.
Il faut de l’attention, de l’attention vraiment à chaque étape du process, chaque étape de versement de produit, parce que derrière mon travail, il y a des consommateurs. Il y a des marques. Il y a des gens.
Ça peut aller très vite. La non qualité peut nuire à une entreprise, à une marque.
Même si je ne suis pas le garant de la marque, à travers mon métier, je suis garant des produits que je fais et je suis garant de fournir un produit beau et bon au client, que ce soit par l’aspect, le goût, l’odeur.
Loïc Wallerand, chef de mission sur un navire-câblier
Je m’appelle Loïc Wallerand, j’ai 48 ans, je suis chef de mission sur un navire-câblier.
Nous sommes chargés, pour faire face à la demande des nouvelles technologies, notamment la vidéo, Internet, etc., de réparer et de poser de nouveaux câbles sous-marins.
Quand un câble sous-marin est coupé, ce sont des dizaines de milliers de télécommunications qui sont coupées. Ça peut bloquer un pays. Donc c’est vraiment très stimulant de se dire qu’on fait quelque chose d’utile pour tout le monde.
Lorsqu’on arrive pour réparer un câble sous-marin, par exemple en Atlantique, une des premières choses qu’on va faire si c’est très profond, c’est de poser un grappin au fond. Un grappin qui va nous servir à remonter un morceau de câble.
Ensuite à bord, on a des câbles de réserve : des câbles neufs qu’on va devoir raccorder les uns avec les autres. Pour ce faire, une équipe de jointage va s’organiser jour et nuit, 24 heures sur 24, pour réaliser ces joints.
Si le câble n’est pas trop profond, nous avons à notre disposition un ROV, un engin sous-marin télécommandé depuis la surface qui va nous permettre de détecter un défaut ou même d’ensouiller le câble à une profondeur d’un mètre.
Un des moments les plus difficiles est celui du départ, quand il faut dire au revoir aux enfants, à la famille, à son épouse.
On sait à peu près combien de temps on va partir : entre 6 et 8 semaine, parfois même 3 mois en fonction des conditions de relève plus ou moins compliquées ou des contraintes des personnes.
Sur une opération de maintenance, on peut être appelé en moins de 24 heures. On peut partir du jour au lendemain, mais ces opérations durent 1 mois maximum, donc ça ne déborde pas trop.
Aujourd’hui ma femme est complètement habituée à ça. Elle s’organise sans moi, elle fait tout sans moi : les spectacles, le cinéma, tous les programmes calés à l’avance… si je suis là c’est bien, si je ne suis pas là tant pis.
Les autres difficultés sont les conditions météorologiques, quand on affronte des mers un peu difficiles, lorsqu’on est par exemple Nord-Ecosse ou en mer d’Irlande. Ce sont des moments assez compliqués à gérer. On est parfois obligé d’interrompre la mission : soit de se mettre à l’abri dans un port à l’étranger ou d’attendre carrément en station que le mauvais temps passe. Ça peut durer une semaine, deux semaines, on ne sait pas. On peut avoir plusieurs dépressions les unes après les autres.
Ce qui est important, ce sont les gens à bord qui compose l’équipe. On s’attache toujours à avoir une très bonne relation les uns avec les autres parce qu’il faut vivre parfois longtemps en huis clos sur un bateau pas forcément grand (le plus grand fait 140 mètres mais ça reste assez petit).
Ce qui fait aussi le plaisir du métier, c’est de retrouver des personnes avec qui on peut partager. On est tous passionnés par la mer, par ce qu’on fait.
C’est quand même un métier qui demande un peu d’abnégation, donc c’est vraiment la passion qui fait la force de notre métier.
Alain Guermeur, maître d’équipage sur un navire-câblier
Je suis Alain Guermeur, je suis maître d’équipage. J’ai fait 40 ans de carrière à naviguer sur des câbliers. J’ai commencé comme mousse en 1979. J’ai fait matelot, puis maître de manœuvre (2nd du bosco). Et j’ai terminé maître d’équipage, chef des marins sur le pont. Dès qu’il y a un câble qui est en panne, le client fait appel à nos câbliers. Il nous faut une douzaine voire une quinzaine d’heures pour partir. Il faut charger des vivres et du gasoil. Il faut qu’on soit parti en moins de 24 heures de toute façon. On est 2 équipes pour faire toutes les manœuvres en enchaînant nuit et jour pour gagner le maximum de temps pour réparer le câble qui est en panne. Dans les années 80, on avait le droit encore de faire des escales de 24-48 heures, sans répercussion sur le client. Un câble en panne coûte de l’argent donc il faut enchaîner, enchaîner, enchaîner… rester le moins possible à quai parce que c’est une perte financière pour l’entreprise. On choisit d’être marin parce qu’on a ça dans le cœur. Vivre en communauté, ce n’est pas donné à tout le monde ! Il y a des difficultés surtout quand le bateau bouge, quand la mer est déchaînée. Le bateau peut avoir de la gîte et de la houle, ce qui est très dur pour l’organisme : à toujours prendre des appuis, le manque de sommeil… C’est très dur. A bord, le climat peut être détestable au bout de 3-4 jours de mauvais temps. On ne se lance pas comme ça pour être marin, parce que c’est un métier quand même un peu spécifique. On quitte notre famille. On part 2 mois, voire 2 mois et demi. Les enfants, on ne les voit pas grandir. L’épouse est mise à contribution aussi pour élever les enfants. Si ça ne va pas à la maison, évidemment ça ne va pas en mer non plus, parce qu’on commence à cogiter et ça peut avoir des répercussions sur le travail aussi. Maintenant que j’arrive en fin de carrière, ce qui me rend heureux c’est transmettre ce qu’on m’a appris. Si je peux former des jeunes, comme moi on m’a formé, c’est vraiment une belle chose.
Maxime Wangrevelain, téléconseiller
Je suis Maxime Wangrevelain, j’ai 26 ans et je suis téléconseiller. On est au téléphone toute la journée et on parle aux gens. On a un script qu’il faut suivre pendant tout l’appel. Le contenu va changer, la forme va changer, mais le fond est toujours à peu près le même : c’est-à-dire qu’on va parler avec la personne pour essayer de la convaincre ou pour obtenir des informations. Il y a deux types d’appel. Il y en a un où on va avoir le casque sur les oreilles et on ne sait pas quand les appels arrivent. Ils arrivent d’un coup. Je peux être en train de discuter avec mon collègue de tout et n’importe quoi, quand arrive un petit bip dans l’oreille et qu’on entend « allo ? », alors c’est parti ! Il y a également les appels manuels où c’est nous-mêmes qui rentrons le numéro de téléphone dans la machine pour appeler la personne, alors on entend un peu la sonnerie du début. Nous, évidemment, on a tous un but. C’est un peu comme un jeu, il faut gagner. Il faut essayer qu’au final, la personne, non pas cède, mais se laisse convaincre, persuader. Il y a un aspect un peu jeu comme ça. La technique que l’entreprise a trouvée, c’est d’envoyer un petit courrier pour dire « On va bientôt appeler. » Comme ça, quand on appelle, on dit : « Bonjour, est-ce que vous avez bien reçu le courrier ? » Au final, que la personne réponde oui ou non ne change rien. Avec une petite rhétorique, on peut continuer la discussion. « Ah non ? Vous n’avez pas reçu le courrier. Alors je vais vous expliquer… » et là on déroule. Ou bien : « Vous avez reçu le courrier. Très bien ! Est-ce que vous avez des questions par rapport à ce courrier ? » Et là, le but, c’est d’entamer vraiment la conversation avec la personne. Évidemment, quand on appelle, on a un pseudonyme. On porte tous le même pseudonyme. Comme ça, quand une personne appelle, elle a toujours l’impression d’avoir le même interlocuteur. Ça crée de la proximité. Et c’est également pour des raisons de sécurité qu’on ne donne pas notre (vrai) nom, pour qu’on ne nous recherche pas. Sur le plateau, on est tous des téléconseillers ; on va dire que c’est le niveau A. Après, il y a 2, 3 ou 4 supérieurs, selon les jours ; on va dire que c’est le niveau B. Et il y a le chef de plateau, celui qui gère tout le plateau ; on va dire le niveau C. On est écouté : c’est ce qu’on appelle les audits. Certains de mes collègues écoutent nos appels et notent (sur cent) pour vérifier que tout ce qu’on dit est bon, qu’on ne dit pas n’importe quoi, qu’on suit le script, qu’on se tient bien au téléphone... L’aspect négatif est que c’est une grille standardisée qui nous note. Ce qui fait, par exemple, que si on est raccroché au nez, il faut quand même dire, hors appel, « Je vous remercie pour votre temps et votre accueil. Je vous souhaite une excellente journée. » Si on ne le dit pas, la personne qui fait l’audit ne peut pas mettre que c’est bon parce qu’on ne l’a pas dit. Par exemple, à la fin d’un appel, on a tendance à dire « Au revoir. Très bonne journée à vous. » mais si après quelqu’un ajoute quelque chose qui relance la conversation pendant 5 secondes, du coup, il faut le redire. Tu te retrouves à dire 2-3 fois : « Je vous remercie pour votre temps et votre accueil. » Et ça, pendant 6 heures, au bout d’un moment… Je ne considère pas que c’est mon métier, parce que ce n’est pas non plus une vocation, ce n’est pas une passion… Pour moi, c’est plus quelque chose comme ça pour dépanner pour le moment. Vu que je suis autoentrepreneur, moi je travaille vraiment 6 jours sur 7, du lundi au samedi concrètement. Si j’étais en CDI, je ne pourrais pas faire ça. Là, je peux travailler 42, 45, 50 heures. Du coup, je ne cotise pas pour la retraite, je ne cotisse pas pour le chômage, ce genre de choses… Mais là, tout de suite, ce n’est pas non plus ce qui prime dans ma recherche actuelle qui est plutôt de mettre de l’argent de côté pour bouger, pour voyager, pour – entre guillemets – vivre.
Patrick Lacroix, assistant ingénieur en salle blanche
Patrick Lacroix. J’ai 21 ans. Je suis assistant ingénieur et je travaille dans l’intégration en salle blanche. Mon travail consiste en l’assemblage d’appareils spatiaux que ce soit des satellites, des télescopes, etc., dans une atmosphère protégée. On assemble les satellites en salle blanche pour les protéger de tous types de poussières. Par exemple, une poussière pourrait prendre feu dans l’espace ou même l’air emprisonné dans cette poussière pourrait être ravageur pour le satellite. Quand on va avoir des intégrations à faire, on va s’équiper pour aller en salle blanche. On est équipé d’une charlotte pour éviter tout ce qui est chute de cheveux, de pellicules ou de choses comme ça. On va avoir un masque pour éviter les particules provenant du nez ou de la bouche. On va ensuite porter une blouse pour éviter toutes les chutes de choses provenant des vêtements. Des gants : parce que les mains en général ne sont pas toujours propres. Et on va mettre des surchausses ; pour le coup, on nous laisse porter des chaussures mais on va avoir des espèces de petits chaussons autour de nos chaussures. Tout est pensé pour une optimisation de la propreté : par exemple, les salles sont équipées d’un flux d’air qui va du haut vers le bas afin d’éviter le dépôt des poussières ou des choses comme ça. Ce genre de chose n’existe pas dans la vie courante. C’est un métier qui demande beaucoup de patience, et une précision assez accrue. On a développé, par exemple, des nano-satellites qui sont de tout petits satellites qui demandent une précision presque chirurgicale. On a des capteurs qui font 1 millimètre par 1 millimètre, donc on a toujours une crainte et une appréhension d’abîmer le matériel. Etant donné que c’est du matériel relativement onéreux, on essaie d’être très précautionneux. On travaille avec des matériaux assez rares, difficiles à reproduire, donc on sait qu’on n’a pas vraiment le droit à l’erreur. Le plus dur dans ce métier est le temps qu’on peut y passer puisque des intégrations peuvent être extrêmement longues. Par exemple, on peut faire des journées de 8 heures sur un même projet. En fin de journée, ça peut être extrêmement difficile : on a les mains qui tremblent… Parfois, ce sont les délais qui nous sont impartis… Par exemple, quand on a un lancement dans 15 jours, il faut que le travail soit fini le jour même ! Pour moi, ce qui fait sens dans ce métier, c’est de me dire que les choses sur lesquelles je travaille vont être utiles au plus grand nombre. Puisque je suis dans un laboratoire d’utilité publique, toutes les missions sur lesquelles je travaille font servir dans le domaine public. Par exemple, là, on a travaillé sur l’UVSQ-SAT qui sert à faire le bilan radiatif de la terre. En gros, on va mesurer le réchauffement climatique terrestre, et ça c’est pour le bien public.