Photo de Jules Verne Photo de Jules Verne Photo de Jules VernePhoto de Jules Verne
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Vous parlez de "cryptotechnique" chez Verne. Que voulez-vous dire ?

M. M. : On n'a pas assez remarqué que, chez Jules Verne, les moyens de locomotion qui sont en avance sur leur temps — comme le sous-marin de Nemo et l'hélicoptère de Robur — ne sont pas destinés à l'ensemble de l'humanité. Ce sont des prototypes, des engins uniques, dont le secret est jalousement gardé par leur inventeur, et qui disparaîtront avec lui sans pouvoir profiter au progrès technique de la communauté. J'ai baptisé cette conception "cryptotechnique" : ici, le savoir est réservé à l'individu ou à une élite qui refuse de le partager avec ses semblables. Cette idée remonte au moins à Francis Bacon, l'homme politique britannique. Dans sa Nouvelle Atlantide, oeuvre posthume publiée en 1627, il montre des savants d'une île du Pacifique. Isolés depuis dix-neuf siècles du reste du monde, ils ont développé des connaissances supérieures aux nôtres, tout en nous espionnant par le truchement d'un réseau d'émissaires.

Dès 1627, nous avons donc déjà en littérature cette conception d'une espèce d'enclave supercivilisée, qui a développé la science et la technologie, mais qui ne veut pas la partager avec le reste du monde. Potentiellement, dans l'univers de Francis Bacon, il y a l'idée que ces gens peuvent intervenir sur notre évolution tout en étant pratiquement protégés de toute intrusion. Il y a déjà là en germe la thématique de dizaines de romans sur ce sujet.

Ce sont les prémices de Nemo...

M. M. : Exact. Et chez Verne, il faut remarquer aussi qu'à la privatisation de la technique d'innovation, correspond la hiérarchisation sociale. Ainsi, seul le savant Aronnax est invité à la table du capitaine Nemo à bord du Nautilus pour être admis à une véritable "initiation" -- le mot est de Christian Chelebourg -- une initiation culinaire à l'océan à travers des mets exclusivement marins, tandis que le domestique d'Aronnax déjeune dans sa cabine à l'écart de cette communion avec l'océan.

Le savant est seul capable de comprendre et de goûter...?

M. M. : Voilà. Il y a un élitisme foncier chez Verne. Pour Verne, bourgeois à l'âge bourgeois, c'est l'élite scientifique — mais ça pourrait être l'élite sociale — qui dispose du savoir requis pour pouvoir inventer, commander ou appréhender le prototype. On a parlé de l'anarchisme du capitaine Nemo, mais c'est un terme tout à fait faux, car en réalité, notre écrivain a, semble-t-il, privilégié en politique la voie modérée ; lors de la révolution de 1848, alors qu'une partie de l'opinion souhaite une intervention française en vue de libérer la Pologne, dans un texte de conférence, le jeune Verne se prononce contre une telle intervention.

Pourtant, au premier rang de la galerie des héros du capitaine Nemo, figure le général Tadeusz Kosciusko, chef de l'insurrection nationale polonaise de 1794. Dans cette galerie de personnages, on trouve aussi John Brown, l'apôtre de la libération des Noirs, représenté pendu par les esclavagistes, une des causes de la guerre de Sécession, guerre qui tient un grand rôle dans l'imaginaire vernien. Ces idéaux de libération des peuples d'une domination étrangère, de l'esclavage, ne visent pas à une révolution sociale. Ils traduisent plutôt ses positions de défenseur des minorités opprimées, avec des personnages qui se dévouent pour faire progresser l'humanité, d'où son intérêt pour les savants. Le savant est par excellence l'homme qui permet à la société de progresser sans heurts, de façon en général positive.
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L'épouvante, véhicule de Robur qui se déplace sur terre, sur et sous l'eau, dans les airs. D.R.


 

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Le jeu "1000 mètres au-dessous de la mer" inspiré de Verne. © Musée Verne de Nantes/ Kharbine-Tapabor