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Cela a pu exister dans les années soixante-dix, cela existera peut-être
dans le futur, mais difficilement aujourd’hui, dans cette société où tout
le monde rêve d’efficacité et de rentabilité.
Si Gaston est si important, on aurait alors toujours besoin de lui
Aujourd’hui, il n’y a peut-être pas assez de Gaston Lagaffe
dans les entreprises. On se met en rang, il faut obéir, faire comme tout
le monde, parler la langue de bois, s’habiller bien comme il faut, être
au bon endroit et surtout ne jamais contester. Dans les sociétés,
nous avons besoin de désordre, sinon les gens s’emmerdent épouvantablement
et ça finit par devenir contre-productif. D’ailleurs, j’ai
un ami syndicaliste fouteur de m…. qui un jour a failli se faire licencier
; il a été récupéré par un chef — ce
qui prouve qu’il y a aussi des chefs intelligents — qui lui a dit : « l’entreprise
a besoin de voyous ».
Ne pensez-vous pas qu’il y a un malaise depuis quelques années ?
Il y a un mouvement de gens qui préfèrent quitter les grandes villes
pour privilégier la qualité de la vie…
Je pense qu’il y a un grand choc dans les années quatre-vingt-dix,
(un peu camouflé par les paillettes des années star up)
dont on prend conscience. Le moral des gens a été miné.
Il y a une pression à tous les niveaux, des diplômés de grandes écoles
ont galéré pendant des années avant de trouver un emploi,
et les cadres, notamment, ont été licenciés en masse. Ils
pensaient être les fers de lance de l’entreprise, et ils ont réalisé qu’ils étaient
jetables comme les autres.
Franquin était une sorte d’« éco-anar »,
ne faites-vous pas aussi le plaidoyer d’une certaine forme d’anarchie
?
Oui je suis "néo-anar", je déteste l'ordre, trop d'ordre
tue la vie. En plus, et ça c'est encore plus drôle, je crois que
trop d'ordre tue le capitalisme lui-même, puisque tout de même il
faut un peu de jus de cervelle pour imaginer les produits qui vont se vendre
demain...
Gaston Lagaffe n’est pas carriériste, il met dans sa vie une heureuse
créativité ! C’est une sorte d’archétype ?
Il y a une tendance diffuse de gens qui doutent, il est encore trop tôt
pour parler de désengagement d’ensemble.
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