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LA BIodIverSIté
Points de vue d’exPerts
I
II III VI
ques d’innovation, tous les nouveaux ins-
truments qui émergent un peu partout
dans le monde pour essayer de mieux valo-
riser la biodiversité.
on a beaucoup travaillé ces dernières
années sur la notion – qui fait sens, notam-
ment pour les consommateurs avertis que
sont les Français – de produit de terroir
ou de production localisée. quand on s’in-
téresse à un produit comme le fromage, on
travaille sur tous les niveaux de la biodi-
versité : les ferments, la race animale, les
paysages, mais aussi les savoirs, les savoir-
faire et l’habitat particulier où se trouve
la fromagerie. tous donnent en effet sa
saveur spéciale au lait et donc au fromage.
aussi, à travers le fromage – et c’est la
même chose avec des épices, des cafés ou
des produits marins
– tous les niveaux de
la biodiversité sont
abordés. actuelle-
ment, on assiste à un
développement spec-
taculaire d’instru-
ments qui visent à mieux mettre en valeur
ces produits locaux. l’objectif est non seu-
lement de mieux les promouvoir au plan
économique, mais aussi de conserver les
différents niveaux de la biodiversité qui
se cachent derrière leur fabrication. bref,
il s’agit de conserver un patrimoine ali-
mentaire, qui est aussi un patrimoine
naturel et culturel.
au nombre de ces instruments, il y a les
démarches de labellisation, d’éco-certifi-
cation, de commerce équitable, qui per-
mettent de reconnaître le savoir et le savoir-
faire attachés à des productions locales.
en France, nous sommes assez familiers
avec ce type d’approches. les travaux que
nous avons conduits ces dernières années
montrent qu’elles sont également à l’œuvre
dans les pays du sud, notamment au brésil,
en éthiopie ou en inde du sud, et même
dans les pays les moins avancés, comme le
«
Le patrimoine
alimentaire est
aussi un patrimoine
naturel et culturel.
»
«
avec un produit
comme le fromage,
tous les niveaux de
la biodiversité sont
impliqués : gènes,
espèces, paysages,
savoirs et savoir-
faire.
»
niger, le sénégal, la Mauritanie et la Gui-
née-bissau. là, il n’y a pas nécessairement
de labellisation, mais des initiatives exis-
tent, notamment portées par des acteurs
locaux. l’objectif : mieux valoriser les
productions locales grâce à une meilleure
traçabilité et mieux conserver les ressour-
ces pour avoir une
gestion durable.
ces instruments
innovants permettent
à la fois – et c’est une
exigence essentielle –
de conserver la diver-
sité biologique et
culturelle, mais aussi
de lutter contre la
pauvreté et de créer
de nouvelles formes
de richesse. toutefois, ils ont un coût et
peuvent s’avérer contraignants. ainsi, les
acteurs impliqués tout au long de la chaî-
ne, de la production à la commercialisation,
n’ont pas tous nécessairement les moyens
d’adopter des normes internationales (par-
ticulièrement strictes en matière sani-
taire) et d’organiser la traçabilité. certai-
nes productions risquent ainsi de se
trouver marginalisées. Par ailleurs, ces
labellisations visent un marché de niche
assez limité pour l’instant. autant de
contraintes qu’il faut garder à l’esprit.
une autre pratique qui se développe est
la valorisation éco-touristique de la biodi-
versité. ce tourisme – qui vise une clien-
tèle choisie et limitée – n’est en rien une
alternative au tourisme de masse, mais il
permet de donner une valeur à un patri-
moine à la fois naturel et culturel, et éga-
lement de redistribuer les bénéfices de la
conservation de la biodiversité vers les
acteurs locaux, qu’ils soient éco-guides,
piroguiers, gardes, etc.
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