Le Monde de Franquin
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L'inconscient des objets
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Lagaffe apparaît ainsi comme la figure heureuse et emblématique de la civilisation des loisirs. Mais les objets, chez Franquin, ne se laissent pas si aisément manipuler. Ils se déglinguent, pétaradent, dérapent… Et c’est là que les choses commencent à mettre la puce à l’oreille de la vigilance du psychanalyste, comme aurait dit le maire de Champignac. Car ces objets se révèlent en définitive toujours prêts à dévoiler les pensées secrètes de l’un ou l’autre des protagoniste de l’histoire, voire du lecteur lui-même ! Bref, ils ne sont pas seulement indépendants, ils deviennent, comme l’homme lui-même, dotés d’une sorte d’inconscient. Par exemple, le ressort d’un fauteuil usé que Gaston a installé dans son bureau pour se reposer l’oblige-t-il à se rasseoir lorsqu’il a enfin décidé d’un effort ! Et ses bricolages inoffensifs savent se métamorphoser en autant de machines à salir, déchirer et détruire au moment où De Maesmaeker vient « pour la dernière fois » signer les contrats que la maison qui emploie Lagaffe attend avec impatience !

Ces machines réalisent en cela la rêverie secrète qui anime tout créateur, celle d’une création qui échappe à son contrôle conscient pour réaliser ses voeux cachés. Tout comme le psychanalyste — dont on dit parfois qu’il est difficile de savoir s’il dort ou s’il travaille — Gaston, ce dormeur permanent, devient ainsi un révélateur de l’inconscient, mais par machines interposées. Les objets qui l’entourent traduisent parfois ses pensées enfouies… à son plus grand étonnement !

Et la comparaison avec Freud ne s’arrête pas là. Gaston ne fait-il pas en effet alterner le sommeil heureux et la création joyeuse ? Or le rêve constitue en psychanalyse « la voie royale vers l’inconscient », autrement dit le chemin par lequel le sujet apprend à se familiariser avec des désirs inconnus de lui-même. Lagaffe sait d’ailleurs bien mieux que quiconque que les songes sont faits de mots. N’accuse-t-il pas par exemple Fantasio de lui avoir provoqué un horrible cauchemar — sa tête dévissée par un diable qui ressemble à celui-ci — en lui ayant méchamment fait remarquer que sa tête avait la forme d’une ampoule électrique bien qu’il ne « soit pas une lumière » ?


Le fauteuil "super confortable" de Gaston © Marsu
Bricoler, c'est humain, faillible, et toute la technologie de Zorglub n'y peut rien : elle échoue, victime des impatients bricolages de son maître. © Marsu
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