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Franquin, comme Hergé, a accompagné mon
enfance, mais bien différemment. Chez le maître
de la ligne claire, c’était les héros qui
m’intéressaient,
tandis que chez Franquin, c’était les machines.
Et depuis, je n’ai cessé d‘y revenir avec émerveillement.
Les machines ont en effet dans cette œuvre une identité si
forte que les personnages finissent par ressembler, à côté d’elles, à de
dérisoires pantins. C’est le cas des fameux « zorglhommes » qui
promènent partout leurs gestes mécaniques et
leur regard vide d’androïdes indifférents,
mais c’est aussi celui du maire de Champignac qui enchaîne
des métaphores plus boiteuses encore que les coqs à l’âne
du robot Karl déconnecté dans L’Odyssée
de l’espace. L’originalité de cet univers
apparaît encore plus grande si on le compare à celui
de Walt Disney. Chez le maître américain, objets
et animaux semblent toujours avoir troqué leur identité profonde
contre un ersatz d’humanité : les fauteuils
courent sur leurs quatre pieds avec la démarche d’un
monsieur ventripotent, les locomotives soufflent comme des
asthmatiques et les animaux caricaturent grossièrement
des humains réduits à un gros nez ou à un
mauvais caractère. Rien de tel chez Franquin. Chez lui,
les machines ont une logique qui ne doit rien aux humains qui
les entourent, à tel point qu’elles deviennent
parfois les véritables héros de ses histoires,
comme l’inoubliable « GAG », ce « générateur
d’antigravité » qui « génère »… des « gags » innombrables.
A ces machines pensantes, souffrantes et désirantes,
Franquin saura donner finalement le compagnon idéal.
Ce sera Gaston Lagaffe.
Pour Lagaffe, le monde des machines n’est pas destiné à lui
permettre de conquérir le monde. Nous sommes loin de
cette mythologie caractéristique des années 1930 à 1960,
dont Les Temps Modernes, Métropolis ou Les
Aventures de Black et Mortimer sont quelques illustrations.
Avec Gaston, les machines ont pour seul but de permettre à leur
ingénieux créateur d’être plus tranquille !
Car ce héros mou et souple comme un escargot qui aurait
perdu sa coquille n’a pas d’autre préoccupation
que de s’en créer une nouvelle, plus confortable
et plus avenante. Et il utilise pour cela tous les objets qui
lui tombent sous la main... |
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