|
|
|
|
|
La Cité des Sciences et de l'Industrie
a présenté en 1990 l'exposition La
fabrique de la pensée : la découverte du cerveau, de l'art
de la mémoire aux neurosciences, faisant ainsi le point sur
différents aspects significatifs du développement historique
de nos connaissances sur le cerveau.
L'intérêt sur ce sujet ne s'est pas démenti depuis
et les travaux réalisés récemment dans ce domaine
font écho aux questionnements que l'homme s'est posé tout
au long de son histoire.
|
|
|
|
|
|
|
|
|
C'est Alcmeon de Crotone
qui fut au sixième siècle avant notre ère,
le premier auteur occidental à affirmer que "ce qui gouverne
siège dans le cerveau". Son uvre fut très tôt
perdue, mais exerça une forte influence. Ses conceptions furent
reprises par Hippocrate, au siècle
suivant et partagées en partie par Platon.
Elles furent contestées par Aristote,
pour qui le principe des sensations était localisé dans le
cur, la citadelle au centre du corps humain.
Quelques siècles plus tard, Galien
mit en évidence le parcours de l'influx nerveux depuis le cerveau
et étudia l'influence des nerfs sur le mouvement des muscles.
Philosophes et théologiens, anatomistes et médecins, se sont
interrogés et disputés pendant des siècles, à
qui aurait le dernier mot pour expliquer la pensée et les émotions
humaines, ces "passions" qui posaient tant de problèmes
scientifiques et moraux.
La révolution anatomique du seizième siècle
s'accompagne d'une grande activité de représentations et
d'illustrations du corps humain (Fabrique de Vésale,
dessins de Léonard de Vinci).
|
|
|
|
|
|
|
|
Au dix-septième siècle,
Descartes introduisit une séparation
entre extension et pensée, corps et âme, qui ouvrit la voie
à des recherches anatomiques et philosophiques. La
Mettrie élimina la nécessité d'un recours à
un pont entre esprit et matière (glande pinéale de Descartes),
en substituant le cerveau à l'âme dans un corps désormais
considéré comme une machine.
Par ailleurs, l'attention portée par Locke
et Condillac, sur les sensations comme
lieu de connaissance, fit du cerveau, ce lieu où aboutissent les
sensations, le nud de raccord entre les états physiques du
corps et ses dispositions morales, intellectuelles et émotives (Cabanis
et les idéologues).
Une métaphore employée par Diderot
représente ainsi le cerveau comme une araignée au centre
de la toile constituée par le réseau des nerfs. De grands
anatomistes accompagnèrent ces investigations philosophiques de
descriptions de plus en plus systématiques sur les nerfs et le cerveau
(Vieussens, Willis
et plus tard Vicq d'Azyr).
|
|
|
|
|
|
|
|
Le succès spectaculaire de la phrénologie,
pendant les premières décennies du dix-neuvième
siècle, amena à considérer le cerveau comme centre
actif de toute connaissance et de toute émotion.
Les recherches sur les localisations cérébrales opposèrent
les partisans de la phrénologie (Gall,
Broussais) et les ennemis de la localisation
(Flourens), défenseurs d'une
vision unitaire de l'activité du cerveau.
Si les thèses, souvent fantaisistes, de la phrénologie ont
laissé des traces dans des expressions familières telles
que "avoir la bosse des mathématiques", le projet de recherche
qui les soutenait inspira les premières localisations de certaines
fonctions au niveau du cortex. On peut citer en premier lieu les recherches
de Broca sur les aires cérébrales
responsables du langage.
Les fonctions cérébrales ne furent pas seulement le centre
d'intérêt de ces anatomo-physiologistes. Les sensations et
les émotions avaient également trouvé leur place dans
les courants d'études qui regardaient l'homme en tant qu'espèce
et l'homme en tant qu'individualité. Effectivement, les grandes
synthèses sur l'histoire de la vie sur terre et la place que l'homme
y occupe, font référence à la sensibilité physique
et au mécanisme des sensations (Lamarck)
ou aux habitudes et à la volonté de l'homme (Darwin).
Les troubles de fonctionnement du cerveau avaient par contre ouvert la
voie à une investigation psychologique sur les comportements de
l'homme et de la femme, en tant qu'êtres soumis à leurs émotions
(les patientes hystériques de Charcot),
à des pensées secondes (Janet)
ou inconscientes (Freud).
|
|
|
|
|
|
|
|
Dès la fin du dix-neuvième
siècle, presque toutes les grandes révolutions scientifiques
et techniques, de l'électronique à la mécanique quantique,
de la génétique à la microbiologie moléculaire,
avaient trouvé leur application dans l'étude du système
nerveux central. Le développement des recherches sur l'électricité,
la chimie organique et la microscopie, permirent d'aborder l'étude
du cerveau avec de nouveaux instruments et de renouveler des traditions
de recherche jusqu'alors fondées exclusivement sur une anatomie
descriptive du cerveau.
La découverte des cellules du système nerveux (que l'on appellera
"neurones") par Golgi et Cajal,
grâce à une nouvelle technique de coloration, furent fondamentales
pour les études successives sur la forme, les propriétés,
les fonctions et les connexions des neurones (en particulier les travaux
sur les réflexes de Sherrington).
En ce qui concerne l'anatomie générale du cerveau, Sperry
détermine la différence de fonctions entre cerveau droit
et cerveau gauche, grâce à l'étude de patients ayant
des lésions du corps calleux et Penfield
établit une carte des localisations ("homunculus") de
la sensibilité somatique dans le cortex cérébral :
à chaque partie du corps sensible correspond une région plus
ou moins grande du cortex.
|
|
|
|
|
|
|
|
Le vingtième siècle
voit une entreprise de naturalisation des objets de la philosophie de l'esprit
(perception, langage, émotions, intelligence) grâce à
l'intervention des neurosciences, capables de donner lieu à une
science unifiée (Churchland),
les sciences cognitives. L'approche neurophysiologique a été
appliquée aussi à l'étude du rêve afin de délimiter
les structures qui en sont responsables (Jouvet).
D'autres théories du fonctionnement
mental se veulent indépendantes de la réalisation physique
des activités mentales (analogie de l'esprit avec l'ordinateur,
selon les modèles de Turing et les
cybernéticiens).
D'autres encore tentent d'enraciner ce qu'on nomme "esprit" dans
le corps : James, dès 1887, avait tracé
un parcours des comportements du corps aux émotions intimes ; plus
récemment, Damasio
poursuit ce cheminement en essayant de montrer le rôle essentiel
des émotions dans le fonctionnement cognitif. Cette activité
cognitive est en même temps affectée par l'interaction du
sujet et de son environnement, qui va jusqu'à modifier la structure
fonctionnelle du cerveau (théories de la sélection neuronale
de Changeux; darwinisme neuronal d'Edelman).
|
|
|
|
|
|
|
|
Sur la base de ces études scientifiques,
des théories philosophiques (Chalmers
et Clark) revendiquent la condition incarnée
de la connaissance ("embodied cognition"), ou "inscription
corporelle de l'esprit" (Varela).
On dit avec raison, que le cerveau humain
continue à attirer les savoir-faire théoriques et instrumentaux
les plus divers, tout en restant l'un des objets les plus difficiles à
appréhender.
Comme on l'a vu par cette brève présentation, de multiples
points de vues et prises de positions ont vu le jour, entre biologie et
philosophie, entre matérialisme et spiritualisme... Pour comprendre
ce qu'on sait aujourd'hui sur l'esprit et le cerveau, on ne peut pas ne
pas considérer l'imbrication entre biologie et philosophie et l'histoire
de cette relation (Jeannerod).
|
|
|
Pietro Corsi
Pour tout renseignement complémentaire vous pouvez contacter :
pcorsi@univ-paris1.fr
La version anglaise de cette page propose d'autres ressources que celles
présentées ici
>>>
Pour les découvrir, rendez vous sur Brain through the Ages
>>> Histoire de l'hérédité
et de la génétique
>>> Histoire des théories de l'évolution
>>> Présentation générale |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|