Guillaume, apprenti boulanger
Nous sommes au 12e siècle, dans le village de Châteauvillain, en Champagne. À cette époque, la très grande majorité de la population est paysanne et vit sous l’autorité et la protection d’un seigneur qui possède des villages, des terres agricoles, des bois, des étangs.
Ces domaines, appelés seigneuries, sont entièrement contrôlés par le seigneur, qui règne en maître sur les villageois et prélève quantité d’impôts.
Le jeune Guillaume a 12 ans lorsque commence sa formation d’apprenti-boulanger qui durera 3 ans. Suivons-le pour découvrir la vie dans les campagnes et la fabrication du pain.
Le travail des paysans
Paysans au Moyen Âge
Au 12e siècle, neuf personnes sur dix sont des paysans qui vivent du travail de la terre. Ils se divisent en deux catégories : les serfs et les vilains. Tout comme les terres qui appartiennent au seigneur, les serfs font partie d’un domaine et passent d’un maître à l’autre en cas de vente. Sans être esclaves, ils ont peu de liberté, beaucoup d’obligations envers le seigneur, mais aussi des droits comme celui de cultiver un lopin de terre pour leur famille. Les vilains sont des paysans libres qui louent des terres au seigneur. En contrepartie de sa protection, le seigneur exige des paysans de nombreux impôts et services : ils doivent lui remettre une partie de leur récolte, réaliser des travaux sur ses terres sans être payés (les corvées) et sont obligés d’utiliser le four et le moulin banaux contre une redevance en argent ou en nature. Par ailleurs, ils doivent aussi s’acquitter de la dîme, un prélèvement sur leur récolte versé à l’Église. Les paysans travaillent au rythme des saisons et des fêtes religieuses, qui sont chômées. Ces travaux varient en fonction de la région et du climat. De nombreuses illustrations décrivant les tâches agricoles (coupe du bois en janvier, labour en mars, fenaison en juin…) figurent dans les livres d'Heures, sortes de livres de prière pour les différents moments de la journée qui contiennent aussi un calendrier des fêtes.
La vie s’améliore grâce à de nouvelles techniques
Au cours du Moyen Âge, la vie quotidienne s’améliore grâce aux nombreuses inventions (brouette, rouet à main, papier, boussole, poudre, chiffres arabes…) venues d’Extrême-Orient et du monde arabe qui se diffusent en Europe. Par ailleurs, de multiples innovations voient le jour et perfectionnent des techniques déjà existantes dans l'agriculture, l'artisanat, la construction et l’exploitation des ressources énergétiques. Au 12e siècle les rendements agricoles s’améliorent avec l’apparition de nouveaux outils et matériaux qui facilitent le travail des paysans. Ainsi, la herse et la charrue équipée d’un versoir et d’un soc en fer permettent de mieux travailler la terre. Le collier d'épaule et le fer à cheval augmentent la puissance des animaux de trait et améliorent la traction animale. Par ailleurs, la rotation des cultures compense le manque d’engrais et augmente la production. L’usage de l’arbre à cames dans le mécanisme des moulins à eau permet d’actionner des marteaux, des soufflets et des scies et d’étendre leur utilisation. Les moulins ne servent plus seulement à moudre le grain et sont employés pour fouler le drap de laine, pressurer les olives ou les noix pour en extraire de l'huile, malaxer les chiffons pour en faire du papier, broyer l’écorce de chêne qui sert au tannage des peaux ou actionner des soufflets de forge. Ces techniques marquent le début d’une production plus industrialisée.
Moulins et meuniers
Grâce à de nouveaux outils (herse, charrue à soc en fer, collier d’épaule) et aux défrichements qui augmentent l’espace cultivé, les récoltes de blé, de seigle et d’orge ont été bonnes. Les paysans apportent les sacs de grains au moulin, où travaille le meunier.
Les moulins et les fours appartiennent au roi, aux monastères et aux seigneurs. Les paysans sont obligés d'y moudre leur grain et doivent payer à leur suzerain et au meunier une taxe appelée « ban ».
La profession de boulanger, qu’on appelait talmenier, apparaît au 11e siècle. Elle est très réglementée et organise l’approvisionnement du blé et du pain. À partir de cette période, les paysans ne sont plus autorisés à faire leur pain à domicile.
Au 11e siècle, les moulins se multiplient dans les campagnes, en particulier les moulins à vent dont le principe est importé par les chevaliers à leur retour de croisades en Orient. Qu’ils soient actionnés par l’énergie du vent ou de l’eau, leur mécanisme est le même : le grain versé dans la trémie est écrasé entre deux meules placées l'une au-dessus de l'autre : la gisante, en dessous, est fixe ; la courante, au-dessus, est mobile.
Paysages hérités du Moyen Âge
L'essor de la culture des céréales (seigle, blé, orge, avoine) et de la vigne, ainsi que l'exploitation des prairies et des landes pour le fourrage des animaux ont joué un rôle important dans la transformation et l’organisation des paysages au Moyen Âge. À partir du 11e siècle, il faut accroître la production de ressources agricoles et de matières premières pour répondre à l’augmentation de la population et approvisionner les habitants des villes. On procède alors au remembrement en regroupant des parcelles de terre auxquelles on accède par des chemins dont beaucoup existent encore. On défriche des forêts pour augmenter la surface de terres cultivables et accroître les ressources en bois, indispensables au chauffage, à la construction des maisons, des moulins, des bateaux… Dans le même temps, les hommes agencent le territoire en bâtissant des villages et des routes ; en créant des étangs pour avoir du poisson ; en aménageant des marais salants pour produire du sel, nécessaire à la conservation des aliments ; en construisant des barrages, des canaux de dérivation, des digues, des moulins et des ponts ; en exploitant les mines d’argent, de minerais, , de sable, d’argile. De nombreux paysages et villages médiévaux sont à l’origine des nôtres et leurs vestiges sont encore visibles aujourd’hui.
À la table des paysans et des seigneurs
Les farines sont ramenées du moulin. Guillaume commence par les tamiser pour en ôter le son qui sera mangé par les animaux de la ferme. Il va ensuite confectionner le levain en laissant fermenter un mélange d'eau et de farine pendant plusieurs jours.
Vient ensuite le pétrissage de la pâte qui consiste à mélanger – souvent avec les pieds lorsque la pâte est dure – la farine et le levain avec de l'eau. Le sel, qui est rare et cher au Moyen Âge, est peu utilisé dans la composition du pain. Une fois la pâte découpée en boules, les pains sont cuits dans le four banal, propriété du seigneur qui prélève une partie de la production.
La société médiévale est divisée en trois ordres : ceux qui font la guerre (les nobles), ceux qui prient (les religieux) et ceux qui travaillent (les paysans et artisans). Selon son rang social, on est soumis à des normes alimentaires très strictes qui établissent ce que l’on peut manger ou pas.
Les boulangers font donc deux sortes de pain : le pain bis, noir ou gris, fait d’un mélange de farines de seigle, d’orge, d’avoine, est grossier, nourrissant et destiné aux paysans ; le pain blanc à base de farine de blé, raffiné et plus léger, est consommé par les nobles.
Que mangeait-on au Moyen Âge ?
Au Moyen Âge, l’alimentation est très codifiée. La religion chrétienne impose - aux riches comme aux pauvres - environ 150 jours de carême où l’on doit manger maigre, c’est-à-dire sans œufs, ni laitage ni viande, que ceux qui en ont les moyens peuvent remplacer par du poisson. D’autre part, l’alimentation diffère si l’on est noble ou paysan. Selon une hiérarchie qui classe les aliments en fonction de leur proximité avec le ciel, les légumes (qui poussent dans la terre) sont destinés aux pauvres alors que les élites se nourrissent d’aliments jugés plus proches du ciel, tels les grands oiseaux ou les fruits. L’alimentation des paysans est surtout constituée de céréales (seigle et avoine) sous forme de pain, de bouillie ou de pâtes, de soupe de légumes, de féculents, de fromage et de vin. Les élites mangent du pain blanc, de nombreuses viandes issues de la chasse ou d'animaux domestiqués, du poisson, des fruits, du fromage. Les épices, le riz, les bananes, la canne à sucre ramenés d’Orient par les croisés et les marchands, ainsi que la pâte feuilletée ou les fruits confits issus des savoir-faire arabes sont des mets très appréciés à la table des nobles. La bière dans le Nord et le vin dans le Sud, remplacent l’eau rarement potable et cause de maladies. La forte consommation de vin (pouvant atteindre 2 à 3 litres par jour et par personne) entraîne un alcoolisme chronique de la population qui meurt jeune : l’espérance de vie d’un homme est en moyenne de 40 ans.