Page 15 - Robotic Art Robotic

TOTEMOBILE
Totemobile est une sculpture robotique qui apparaît
dans un premier temps comme une représentation à l’échelle
1/1 de la DS, véhicule mythique de Citroën. Une fois mise
en marche, elle donne l’impression d’exploser, et cet objet
si familier est transformé et refaçonné à différents niveaux
d’abstraction jusqu’à ce qu’il revête sa forme finale, à savoir
celle d’un totem organique de 18 mètres de hauteur.
Lorsqu’il atteint sa taille maximum, Totemobile laisse échapper
un flot de lumière, sous la forme de multiples sculptures
gonflables d’inspiration organique évoquant un gigantesque
être biologique arrivé au terme de son processus de maturation.
Sa forme initiale est étonnamment simple et dissimule la présence
de près de cinquante machines interdépendantes aux fonctions
esthétiques et pratiques variables.
Alors que la sculpture s’ouvre et s’élève, ces machines métalliques
et gonflables expriment différents modes d’abstraction mobile
qui se développent pendant la croissance et l’éclosion finale
du totem. Lorsque la structure connue de la DS se subdivise
en pièces géométriques, chacune devient une version plus
organique de l’originale pour mettre son corps en décomposition
au service du nouvel organisme qu’elle accueille. Le point
de transcendance naturelle de cette automobile réside
dans ses airbags gonflables : en protégeant et en éloignant
son impitoyable corps synthétique de nous, l’objet gonflable
offre un point de contact direct avec la fragilité biologique.
Ce point de contact constitue la « fêlure» qui héberge le virus
des indomptables aspirations biologiques de l’automobile.
La DS devient un terrain fertile que cette graine gonflable
en pleine éclosion consume, utilise et subvertit secrètement
pour satisfaire ses propres besoins, ce nouveau corps
se subdivisant là où cela s’avère nécessaire pour assurer
la viabilité de son néo-squelette, la forme confortable et utilitaire
de la DS abandonnant sa servitude pédestre et s’allongeant
pour parvenir à la beauté et la flexibilité organiques suggérées
plus subtilement par sa structure originale. La forme du totem
est de nature narrative.
À mesure que la sculpture s’élève, divers récits sont racontés.
Les aspects organiques et non organiques de l’objet
s’entrechoquent, transigent et parviennent à des compromis.
Ce processus met à jour des thématiques telles que l’entropie,
la domination, la transformation, la mort et la nature de la force.
Lorsque le mutant qui en résulte atteint sa hauteur maximale,
les structures gonflables éclosent dans un flot de lumière
semblable à une sorte d’extase hybride, et le volet mécanique
s’ouvre pour révéler la croissance d’un nouveau pistil organique.
Cet élément de l’organisme parvenu à maturité s’élève encore
plus haut dans le ciel, comme s’il voulait atteindre le soleil.
Respirant avec force pour mieux se gonfler, il se renforce
et grandit. La machine organique sophistiquée assimile
ses contours structurels et s’y conforme comme si elle utilisait
l’espace restreint offert par le lieu d’exposition pour alimenter
sa propre croissance — évoquant l’expansion d’un lierre tenace.
MacMurtrie s’est consacré pendant vingt ans à la robotique,
à la création de métaphores impliquant la machine et à l’imitation
de la condition humaine. Avec Totemobile, il prend pour
la première fois un tournant radical dans son travail en recourant
à la culture populaire. Totemobile est la forme hybride
d’une icône de la culture populaire et de la notion d’aspiration
organique. C’est une voiture qui fait un voyage biologique
vertical, contrairement au mouvement avant et arrière culturel
et mécanique traditionnel. Le spectateur, pour qui la voiture
est un objet familier, est invité à participer à ce voyage avec
Totemobile, qui restaure le respect envers la nature qui l’a
accueilli et transporté bien avant l’apparition de l’automobile.
31 En utilisant la robotique pour explorer la croissance
et la transformation du monde naturel, MacMurtrie
et ARW (Amorphic Robot Works) recourent à des
moyens qui semblent, de prime abord, extrêmement
éloignés de leur sujet. Ce choc apparent de matières
incongrues met en évidence l’émergence inattendue
d’un dispositif robotique sophistiqué dont l’unique
objectif est sa propre existence, et recentre notre
attention sur la composition et le statut prioritaire
de ces systèmes biologiques élémentaires dont nous
faisons partie. Des systèmes dont la fécondité
et l’adaptabilité sont enviées par le travail robotique
de MacMurtrie et suscitent son désir de l’imiter.
Nos créations en ce monde aspirent à durer
et à rencontrer un certain écho — un résultat
que pour l’instant seule la nature obtient. En s’écartant
de la notion de longévité fondée sur l’invulnérabilité
et en s’intéressant plutôt aux concepts d’interconnexion,
d’interaction et d’adaptabilité, nous pouvons peut-
être exprimer une forme plus avancée d’intelligence
dans nos créations.
amorphicrobotworks.org