 |
Trois lucioles géantes dans la nuit. Deux amoureux sur un banc public.
L’éclat d’un cuivre. Le décor est planté. Minimaliste,
il se suffit à lui-même. Le halo de lumière pourrait évoquer
une poursuite scénique. Pourtant, il n’en est rien. Personne ici
ne se donne en spectacle. Aucune fausse note. Même le trombone, suspendu
la tête en bas, a su se faire oublier. Et si l’élégant
réverbère, finement ouvragé, nimbe cette quiétude
de sa douce clarté, c’est seulement pour veiller sur un îlot
de tendresse à la manière d’un cocon protecteur. Brassens
s’est fait le chantre des bancs publics. Franquin, lui, nous en fait partager
l’ineffable, le sens du frisson. L’index de la jeune fille, arc-bouté sur
une latte du banc, nous en dit plus long sur ses sentiments que ne saurait le
faire aucun poète au monde. Avec sa faculté unique pour aller au
fond des choses, Franquin a merveilleusement su traduire pareille émotion.
Cette image nous fait toucher du doigt l’indicible, le non-dit, l’abstrait.
En un mot, Franquin trouble nos sens... Mais la visite n’a que trop
duré. Il nous faut prendre congé. Sans déranger... Doucement,
sur la pointe des pieds. Comme si nous n’étions jamais venus. Comme
si nous émergions du pays des songes. Chut !... Les amoureux sont seuls
au monde.
|
 |