Le Bic Cristal
Photo : Paolo Ferla,
à gauche, Brandon Irwin
« C'était en 1964, je venais de rentrer au CP. Sur le côté de ma table d'écolier en bois trônait l'instrument spécialement dédié au tachage de doigts, un joli petit encrier en verre. J'aimais bien l'encre bleue, mais pas ma maîtresse et surtout pas sur les feuilles en gros splash étoilés, fort marrant au demeurant. Premiers écrits avec la plume Sergent-Major, on faisait des tests de Rorcha à tout-va.
Et puis un jour, la maîtresse nous a distribué des petits bâtons hexagonaux et translucides, les premiers stylos à bille de l'école. La révolution du jetable était en marche et y en a qui allaient y laisser des plumes. Exit le crissement sur la feuille, la joie des taches, des pleins et des déliés, les batailles à l'encre.
C'est à cette époque je crois que le célèbre Baron distribua dans nos écoles des buvards publicitaires réalisés par Savignac, vantant une écrite propre et au kilomètre. C'est vrai que ça marchait pas mal son innovation, d'autant que nous avions très vite trouvé un nouvel usage pour la chose : il suffisait de retirer les capuchons et le tube souple et de mâcher un bout de papier pour la promouvoir au rang de sarbacane hyper précise, avec heures de colles à la clé pour les imprudents. Je me souviens que dans une des classes de filles (hé oui nous étions séparés, même à l'école publique) la maîtresse avait fait de la résistance au Bic. Pas longtemps d'ailleurs puisqu’en 1965, le ministère de l'Éducation nationale autorisa le stylo à bille au sein de l'arsenal scolaire du potache.
Ce truc était super bien pensé. On pouvait voir le niveau d'encre en transparence, on pouvait le garder sur soi en permanence sans risque, et tout ça pour une poignée de kopecks. Bon, c'est vrai qu'avec le recul ce n'est pas très écologique cette affaire. J'ai lu récemment que le Bic cristal avait été vendu à plus de 100 milliards d'exemplaires à travers le monde. »
Pierre Delay
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