Ray Bradbury, écrivain
américain
(1920), l'un des maîtres de la science-fiction, a enrichi le genre
d'une réflexion intellectuelle et sociale dans des récits
où se mêlent poésie et dérision. Il est
notamment connu pour Chroniques martiennes et Fareinheit
451 porté à l'écran par F. Truffaut en 1966.
Ray Bradbury : Si vous écriviez aujourd'hui, trouverait-on dans vos livres une plus nette conscience des conditions politiques et sociologiques ? Vous mettriez-vous au service d'un quelconque mouvement social ou national ?
Jules Verne : La seule cause que j'aie jamais défendue était celle de l'Humanité. Les pressions politiques, les théories sociales, les dogmes sont secondaires par rapport à la motivation globale de l'humanité, et à sa vocation pour l'aventure. Je vois les lemmings se précipiter vers la mer, je vois les saumons remonter les fleuves pour assurer la perpétuation de l'espèce, je vois l'homme dans ses grands mouvements de marée et tout cela me fascine. Vous vous indignez : on ne devrait pas être fasciné par le flux, par les pressions que l'univers exerce sur l'homme. Vous vous occupez de causes microscopiques, d'effets, de motivations et contre-motivations, de procédés de lilliputiens pour des buts de lilliputiens, à l'intérieur de ce flux vital. Vous oubliez, comme la plupart des hommes, cette mystérieuse rivière qui vous conduit d'une source sans origine à une mer insondable et sans limites. Moi ? Je suis fasciné. Je ne suis pas votre Wells, votre Huxley, votre Orwell. Je ne suis que Jules Verne. Condamnez-moi si vous voulez... La marée s'écoule, l'homme s'écoule avec elle, que cela lui plaise ou non. J'observe cela, carnet de notes en main écrivant mes romans géographiques.
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