Mais ce qui est formidable dans Jules Verne, c'est effectivement qu'il fait un shaker avec le monde. Il fait un cocktail avec tout ce qu'il voit, tout ce qu'il entrevoit, tout ce qu'il aperçoit, tout ce qu'il a lu. Ce n'est pas un homme qui reste sur des positions toutes faites. Il est vraiment évolutif, il ressemble au monde, il intègre le monde, il représente le monde et il enchante le monde.
Verne a une capacité de vulgarisation inédite. Il semble avoir réussi la savante alchimie entre science, technique et littérature...
G. St. B. : Oui, d'ailleurs Jules Verne est né en 1828, en même temps qu'une des plus grandes inventions que sont les Chemins de Fer Français. Il a habité en face d'une voie ferrée à Amiens. Il vivait à l'âge de la vapeur et il a prophétisé l'âge de l'électricité. Il avait dit que l'électricité serait un jour l'âme du monde industriel. L'exploitation de l'énergie, surtout électrique, est au centre de la plupart de ses romans : dans "20 000 lieux sous les mers" au coeur du Nautilus, avec le sous-marin aux allures maléfiques qui fonctionne avec un moteur électrique de haute performance, alimenté par des piles chimiques. On peut aussi dire que dans le monde virtuel, le Nautilus a sillonné les océans, bien avant la conception des sous-marins nucléaires modernes. Et dans "Robur le conquérant" de Verne, apparaît un autre engin fantastique l'Albatros, cet aéronef électrique à hélice qui fait le tour du monde. Il préfigure le décollage des premiers hélicoptères et des avions électriques à cellule photovoltaïque.
Et au-delà de ces engins redoutables qu'il met en scène dans ses romans, Verne a étudié fort sérieusement la question des caractéristiques énergétiques des villes futures. Dans "Paris au 20 e siècle", il nous parle des transports en commun, du train à propulsion électropneumatique, qui n'est autre que le précurseur des trains à lévitation électromagnétique. Et puis il y a les périls qui nous menacent dans la cité, dont il a anticipé les dangers. Comme conseiller municipal, il va montrer son souci de l'écologie. Il demande notamment que la fumée échappée des locomotives qui empeste l'intérieur de la ville d'Amiens au sortir des tunnels soit maîtrisée, et "ceci est possible" dit-il, en maintenant les locomotives en pression. Et puis dans "Le testament d'un excentrique", Jules Verne évoque la pollution causée par l'industrie du pétrole.
Interview réalisé par Jean-Rémi Deléage, Mars 2005
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D.R. |